18 mars 2008

le paradis perdu - 2


Quelques jours plus tard, un pesant et somptueux charroi s'arrêtait devant la masure. Deux hallebardiers ouvraient les portières et priaient Jacques et Etiennette de se trouver attendus dans leur nouvelle résidence. A leur arrivée au château ils furent dépouillés de leurs guenilles et revêtus qui de pourpoint damassé, poulaine confortables, qui de robe de soie et de brocart seyante chausse de basane ajustées. On eut dit deux hobereaux en voyage de courtoisie.


On leur fait visiter leurs appartements. Un lit à baldaquin aux courtines brodées meublait leur chambre. Des sièges de velours, des coffres cloutés et bahuts finement ciselés. Aux murs de chaudes tapisseries douces au toucher retiennent leur regard. Nos deux manants croient se trouver dans un palais enchanté.


Puis on les invite à la tablée du dauphin seigneur d'Auvergne qui leur montre des plats lourds et somptueux.

-Vous voici chez vous. J'espère que vous vous sentirez heureux comme des rois puisque tel était votre désir, dame Etiennette. Aucun travail servile ne viendra gâter votre existence. Vous ne ferez absolument que ce qu'il vous plaira. Mais vous m'avez promis, n'est ce pas de faire tous mes commandements.
.


- Je ne vous en impose qu'un seul. Vous voyez sur la table cette soupière en argent? Je vous interdit, vous m'entendez bien? Je vous interdit absolument d'en ouvrir le couvercle pour savoir ce qu'il y a dedans. Si vous me désobéissez, vous serez immédiatement dépouillés des richesse que je vous ai donné. Vous serez alors obligés de reprendre vos guenilles et de regagner votre masure à pied.


- Monseigneur, nous vous promettons de ne jamais enfreindre votre interdiction et de ne jamais soulever le couvercle. N'est ce pas Etiennette?
- Oui mon ami je vous le promets. Pour votre tranquillité, messire, puis-je déposer la soupière dans ce bahut?
- Que nenni, répliqua le dauphin d'Auvergne. J'entends qu'elle demeure à cette table. Elle ne prend pas beaucoup de place.


Le couple de charbonnier vivait ces premiers jours en toute "sérénitude". Se promenant dans les jardins, et s'y reposant; faisant de somptueux repas où à chaque plat le couvert était changé. des plats en grand nombre, au dîner comme au souper.... Mais la petite soupière d'argent trônait toujours au centre de la table. Bien en vue. Comme le fruit défendu.

Au bout de quelques jour Etiennette ne put s'empêcher d'y toucher.

- C'est curieux, elle ne semble pas extraordinaire. je voudrais bien savoir pourquoi Monseigneur nous interdit de l'ouvrir.
- Ecoute femme. Ne fais pas la sotte. Il nous est interdit de soulever le couvercle. Nous avons promis. Il faut obéir.

Elle n'en parla plus. mais on la sentait tourmentée. Elle semblait souffrante, nerveuse, rabrouait son mari pour la moindre remarque. Elle maigrissait à vue d'oeil, ne mangeant plus. Ce qui faisait l'affaire de Jacques.

- Qu'as tu donc femme?
- Rien!! disait elle en haussant les épaules.

Puis un jour elle finit par avouer :

- c'est cette soupière qui me nargue. Elle me rend malade.
- Tu es ridicule. Elle ne t'a rien fait.
- Non mais je voudrais savoir ce qu'il y a dedans.
- Ce qu'il y a dedans ne te regarde pas.
- Mange Etiennette!
- Non! Je préfère mourir que de ne pas voir.
- malheureuse!!! Le dauphin saura et nous chassera.
- Mais non, je t'assure. je vais le soulever un tout petit peu en regarder. Le Dauphin n'en saura rien.
- Je veux bien faire selon ton plaisir dit Jacques qui aimait sa femme, mais j'ai grand'peur qu'il arrive un malheur.

Les yeux brillants, Etiennette soulève le couvercle, un tout petit peu, comme elle l'avait dit. Et Frrrou-tttt une minuscule musaraigne saute hors de la soupière et cour dans la vaste salle. Impossible de rattraper la bestiole. Jacques qui avait beaucoup grossi (il mangeait pour deux) se déplaçait avec difficilement. Il courait vers le coffre, la souris était sur le buffet. Il la poursuivait sous le buffet elle sautait sur l'armoire. Jacques s'épuisait. Quant à Etiennette elle était tant énervée qu'elle ne faisait rien de bon.


Soudain, la porte s'ouvre sur la carrure du Dauphin d'Auvergne. La musaraigne en profite pour s'enfuir. Jacques et Etiennette se jettent alors sous la table, espérant se dissimuler sous l'épaisse nappe aux yeux de leur maître. mais ce dernier n'est pas homme à se laisser tromper.


- Jacques! grogne-t-il viens ici!........... Je t'ordonne de sortir. J'ai quelques chose à te dire.

Tout penaud Jacques suivi d'Etiennette apparaît. Cette dernière était bien gentillette dans le désordre de sa toilette. Mais le dauphin ne se laisse pas attendrir.

- Qu'est-il arrivé Jacques?
- Vous le savez, Maître. La souris s'est échappée.
- Vous avez soulevé le couvercle alors que je vous l'avez défendu. Ce n'était pas la peine de traiter Adam et Eve de tindous. Vous avez été des sots et des niais vous même. Toi, Etiennette en n'écoutant que ce maudit démon de la curiosité qui perd toutes les femmes et toi, Jacques en obéissant à ta femme, alors que c'est le contraire qui doit se produire. Vous connaissez le sort qui vous attend.

Jacques et Etiennette se jettent à ses pieds. Mais le Dauphin est intraitable.

- Qu'on les dépouille de leur beaux habits et qu'on leur rende leurs vieilles nippes!!.



Une heure plus tard les charbonniers reprenaient tristement le chemin de leur cabane. Etiennette pleurait amèrement mais Jacques la réconfortait.

- Après tout, on a tout de même profité du séjour au château. Quelques semaine de paradis terrestre, tout le monde n'en a pas ici bas.



Et bravement il reprit son ancien métier au plus profond des forêts du Lioran.

(A suivre.... les enfants et le diable)

5 commentaires:

  1. Conclusion : l'homme ne doit pas obéir à sa femme ... !..? .. !..?

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  2. anonyme :
    mauvaise question! ce texte a été composé en 1948. A cette époque ta mère se levait de table quand son mari pliait son couteau :
    "o! tempore o! mores"
    Et puis mauvais esprit. Je pense savoir qui tu es.

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  3. Il y a de la boite de Pandore la dessous...

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  4. Bonjour Muse.
    Boite de pandore!!! Tttttt!!!
    peut être pas mais châtiment du maître oui.

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  5. Et du barbe bleue aussi!!un maître bien terrible!comme un dieu jaloux et cruel.
    La curiosité serait bien utile parfois pour connaître les secrets de la nature,les remèdes à bien des maux et les privilèges des puissants !

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Vince "Africantal"