24 juin 2008

les clochers à peigne du cantal

Je me promenais ce printemps dans les vieilles rue d'Aurillac ma ville natale et plus précisément rue de l'Hôtel de ville (une ballade que je vous conseille) , lorsque je tombais en arrêt devant la "PETITE LIBRAIRIE D'AURILLAC". Une boutique comme on en voyait autrefois, avec des articles en vente, sur le trottoir. Je me décidais d'entrer et de fouiller cette caverne d'Ali baba tenue par un couple de commerçants avenant et plein de bons conseil.

Mon attention se fixait alors sur une pile d'ouvrages consacrés aux églises romanes de la Haute Auvergne, le cantal pour ainsi dire.


J'étais aux anges. Moi qui voulais faire un billet sur l'église à peigne de mon village de MARMANHAC (prononcer Marmagniac) dont vous voyez le panorama de ma maison familiale.


Dans mon enfance, j'aimais cette ambiance estivale de fraicheur ensoleillée; Ces vols de martinets dissipés se poursuivant en piaillant dans l'azur de la vallée; La fumée de l'usine Combelle nous rappelant l'activité du village. J'aimais aussi la cloche fêlée de l'église égrener les quarts d'heures jours et nuits. Le chien du marchand de vin, lui, n'aimait pas trop cette dissonance. Il aboyait à chaque fois. Inquiétant, dans l'ombre du careyrou voisin mal éclairé.

Que dire de l'échoppe du sabotier qui semblait monter la garde à l'entrée de la rue de l'église! Monter la garde, ça le père Lajarrige , il savait le faire, pardi!! Il était aussi le garde champêtre et du coin de l'œil, lorgnon sur le bout du nez, il voyait tout ce qui passait dans sa ligne de mire, tout en faisant ces esclops à l'ancienne. Nous les ronces, on se marrait de l'entendre marmonner "la loi c'est la loi" dans ses grosses moustaches.


Une fois passée cet octroi virtuel, on se trouve face à l'imposant clocher à peigne du XIIIème siècle de l'église SAINT SATURNIN patron de la paroisse. Soutenu par trois contreforts massifs, il fait un peu songer à l'extérieur de la bibliothèque du "Nom de la rose". Il nous écrase et nous rend humbles.

Il n'y a pas si longtemps, la place de l'église étais ombragée par un tilleul multicentenaire. On y avait bâti à sa base une siège circulaire où les sages du village, "ceux qui ne passaient pas la messe au bistrot voisin" attendaient leur dévote fenne.


A l'âge des cabanes dans les bois, la mémé de mon copain qui était sonneuse de cloches scrutait les environs de cet observatoire quand on ne rentrait pas avant midi. Et là, il se les faisait sonner les esquiles, le Jacky. C'est vrai, que de la haut, la mémé Canche, elle embrassait pas mal de parcelles de la commune :" le bout du lieu" - "la campagne" - "le pont" - "Au delaï del pont" et même" les bois de la voulte" - "les bois de sédage" - Roquenatou......

Mais je m'égare. J'aime cette église qui a vu passer les mariages de mes parents, de ma sœur, mes neveu et nièce, ma première communion, les enterrements de la plupart des membres de ma famille dont celui de mon père....... Et même le baptême de ma fille. Miladiou!! Elle fait partie de la famille cette bâtisse.

Aussi, je me plongeais dans la lecture d'un des ouvrages qui lui était consacré. Un ouvrage qui fait un inventaire presque détaillé des églises du canton d'Aurillac, écrit "avec amour" par Pierre MOULIER et illustré avec le grand talent de Pascale, son épouse.

Je demandais à la "PETITE LIBRAIRIE D'AURILLAC" de me communiquer les coordonnées de ce couple afin qu'il m'autorise de citer certaines de leurs phrases. Et c'est avec une extrême gentillesse que Pascale MOULIER répondait à mes questions et m'autorisait à insérer quelques passages de leur livre.

Ce qui m'intriguait dans cette architecture de haute auvergne, c'était bien sûr la raison de la forme de ces clochers. Je pensais qu'il s'agissait de laisser libre cours aux diverses sonneries pour porter l'information au loin dans la vallée et sur les monts avoisinants : orages, guerres, cérémonies, rassemblements...... En effet j'avais remarqué qu'en région de plaine, ont masque les cloches avec "des abat sons " de bois ou de métal pour éviter la dispersion des "mélodies". Je pensais aussi que les nombreuses précipitations de neige dans mon pays faisaient qu'on bâtissait les clochers ainsi. Il semble que je me trompais. Pierre MOULIER explique : """""""" L'usure et la révolution ont balayé la plupart des clochers romans de notre région. Contrairement à ce qui advint dans de nombreuses régions de France, on n'hésita pas en 1794 à ramener les clochers à hauteur de la nef, consigne officielle pour démolir ces parties provocantes entachées de superstition et de fanatisme""""""""""


"""""""" Le clocher à peigne avait avant tout un intérêt économique. et convenait parfaitement à ces églises rurales..........Son inconvénient était d'être peu solide et discret comme l'entendirent maints curés du XIXème siècle qui préférèrent de hautes tours sans intérêt.


Ce qui me bouginait, c'était ces figures souvent naïves postées sous les corniches de toitures. J'ai appris dans ce livre qu'elles se nomment "modillons". Elle représentent "des têtes animales ou humaines témoignant d'un art simple et populaire, marqué par le celtisme"""".


Et c'est vrai que lorsqu'on les regarde, ces sculptures simples évoquent bien les figurations des contrés nordiques. Je l'ai déjà remarqué, notamment sur les croix auvergnates disséminées dans la nature, chez nous: la croix de "Vermenouze", la croix d' "entre Deux Rieux" et bien d'autres.

Ici, à marmanhac, nous remarquons (en haut à droite) """ un homme grimaçant s'ouvrant la bouche à l'aide de ses deux mains : simple grimace ou témoignage d'un humour rencontré en Mauriacois."""" Qui d'entre nous n'a jamais fait cette grimace?

Ci dessous, à gauche """"Une main tenant un rouleau même motif rencontré à Bromme en carladez"""". A droite "une tête de vache"""".


Je ne parlerai que brièvement de l'intérieur de l'église qui à un autre siècle plus récent a été plâtré et peint de motifs se voulant sans doute de l'époque mérovingienne. Malheureusement des emplâtres ont mis à mal des sculptures de chapiteaux indéniablement romans. Les arcs des chapelles Nord sont décidément Romanes mais celles du côté Sud laissent percevoir un début de "gothisation" du style.

Je déplore et je ne suis pas le seul, une modernisation de l'édifice dans les années 70. Notre curé (paix à son âme) était assez "IN". Il avait obtenu un chauffage du bâtiment. Pour ce faire une machinerie a été posée à proximité d'un baptistère semi enterré qui devait être d'une grande beauté. Ainsi cette curiosité est à présent gâchée par un mur de béton sous la tribune.

Je vous livre tels quels quelques photos des églises du bassin Aurillacois.

L'église de Naucelles, un petit bijou du XIIème


Après une visite détaillée de celle de Reilhac (prononcer Reillac) le style "Surprend dans l'environnement aurillacois pauvre en sculptures. C'est que les constructeurs venaient du Nord, de la région de Mauriac où on a au contraire multiplié les images"""" . Ce village n'est pas sur un grand axe. A un kilomètre de l'itinéraire Aurillac-Mauriac, elle vaut bien un détour.

Modillons à Reilhac. Une tête de poisson - un "damier" - une étrange tête. Il y en a beaucoup d'autres que vous devez découvrir sur place mais aussi dans le livre de Pierre MOULIER.

L'église d'Ayrens restaurée avec goût. Celle de Crandelle le village voisin.

Lascelle dans la vallée de Mandaille. Elle a du voir les exploits du petit pâtre Grégoire.


La chapelle st jean de Done. Un peu à l'écart sur la routes des crêtes, vous devez y faire une visite exprès en allant au col de Légal.


St Cirgues de Jordane. Elle aussi dans la vallée de Mandaille. Elle surveille les passages du tour de France.


Tessière de Cornet.



Vous pouvez suivre les œuvres de Pierre et Pascale MOULIER sur leurs sites :
- cantalroman.free.fr/
- cantalpatrimoine.free.fr/
Vous y admirerez les exquises esquisses de Pascale. Elle devrait se lancer dans la BD.
Ils sont les auteurs d'ouvrages sur les croix du cantal et sur les tableaux que renferment nos églises.

Je les remercie pour la qualité des leurs ouvrages et l'autorisation qu'ils m'ont donnée de citer des extraits de leurs pages (en italique bleu) .