04 décembre 2007

Le paon de la reine - 1

Le cantal, c'est mon pays. Et il recèle de bien terribles histoires. Véridique ou romancée, en voici une sur laquelle beaucoup d'historiens se sont penchés.

Le trentième jour du mois de septembre de l'an 1585, alors que la nuit tombe,une petite troupe d'hommes d'armes chevauche au travers du ravin que domine le château de Carlat dans le cantal. A en juger par leur équipement pour certains, toque à aigrette, habits de velours, haubert et cuissards de mailles, souliers couvert d'acier et larges baudrier, ces gentilshommes sont à la fin d'un long voyage.

Mais ce soir-là leur mise n'est pas brillante. Une épaisse couche de poussière souille les vêtements et les montures des voyageurs tant que nul n'est en mesure de dire les couleurs de ces gens.

Leur chef monté un cheval noir fourbu, n'a plus à sa coiffure qu'un rudiment de panache. Le sieur de Lignerac, puisque c'est lui, parti d'AGEN avec cinq cents lances, n'en ramène que deux cents à la fin de l'étape qui doit le conduire à USSON dans le Clermontois.

Soudain, au détour du sentier, le donjon de Carlat apparaît. Terrible, menaçant avec sa double enceinte de remparts, se dessinant sur un ciel lourd de présages. Il se dresse sur le vaste plateau de granit qui lui sert d'assise. Tout noir sur ce ciel gris il ressemble à un repaire de brigands.

Ceux de la troupe qui ne connaissent pas encore Carlat, ont en l'apercevant un frisson d'épouvante. D'aucuns se signent. D'une cape brune, assise sur la croupe du destrier de Lignerac une voix lasse mais musicale sort : "Saint-Germain n'était pas si laid, murmure-t-elle".

Le détachement se dirige vers un escalier très étroit, creusé dans les orgues de basalte qui conduit à une porte massive, unique accès au château. Il faut mettre pied à terre. La femme qui a parlé se laisse choir dans les bras de Lignac, plutôt qu'elle ne descend de la monture. Sa mante est rabattue laissant entrevoir l'admirable visage d'une femme de trente ans, belle d'une beauté éblouissante malgré la fatigue qui alangui ses traits. "

A l'entré de l'escalier se tient un homme au pourpoint écarlate. L'épée au côté, il s'avance vers Lignerac:

- "Bonjour mon frère", dit-il en l'accolant. Puis s'inclinant très bas devant la voyageuse :

- "Soyez la bienvenue, madame, je suis le sire de Marcé, bailli général des montagnes au nom de notre gentil souverain Henri troisième du nom que Dieu ait en sa garde. Il m'est plaisant d'honneur de vous recevoir en ce castel. Mon maître le roi désire que vous ne quittiez pas cette enceinte. Vous le savez sans doute madame, ce fief vous appartenant, Carlat est imprenable par la force, nous avons trois cents hommes d'hommes d'armes et, vous le voyez, les remparts sont assez épais pour qu'on ne passe pas au travers".

La reine de Navarre car c'était elle, releva fièrement la tête.

-"Monsieur, vos discours me sont à gré. Je suis lasse et malade ayant fait quarant lieu es en croupe de ce noble gentilhomme( en désignant Lignerac). J'ai vu ma bonne ville d'agen révoltée contre moi, mes gens tués à coups d'arquebuses, et, si'l plait à mon frère le roi de france de m'infliger de nouveaux chagrins et malheurs, qu'il me laisse d'abord me reposer pour que j'aie la force de les supporter".

Marcé et Lignerac introduisent la royale voyageuse dans une vaste salle voûtée où brûlent des torches de cire et de résine, au murs des trompes de chasses et bois de cerfs. Au milieu de la cheminée ornée de l'écusson de Carlat, garnie de chenets hauts de six pieds et dans l'âtre brûlent des arbres entiers.
Force est à la princesse de prendre part au repas préparé auquel participent le bailli, le gouverneur ainsi que moult gentilshommes de la garnison. Elle touche à peine aux mets et demande bientôt aux chambrières pour qu'elles viennent la déshabiller et la mettre au lit.

Il fut un, temps où la grande forteresse de Carlat rayonnait sur tout le Carladès. Dominant le pittoresque bourg de Carlat, le "nid d'aigle" inexpugnable apparaît dans l'histoire depuis la domination romaine. Elle avait eu bien des maîtres différents, soutenu des assauts de Clovis, et se rendait à Pépin le bref. Puis à Louis le Débonnaire à qui elle fut livrée par trahison issue de belles promesses. Elle fut ensuite à deux reprises enlevée aux anglais. Puis à Mérigot-Marchès, chef des routiers, par jean de Tournemire venu de son castel d'Anjony.

Devenu fief héréditaire de la famille d'Armagnac et l'une des plus fortes places d'Aquitaine, Carlat vit en 1475 la révolte de jacques d'Armagnac, et les terribles preprésailles de Louis XI. Les biens du comte furent confisqués. Le carldès fut cédé au duc de Bourbon et d'Auvergne, époux d'Anne de France, plus connue sous le nom d'Anne de Beaujeu qui y fit construire l'église.

Après la trahison du conétable de Bourbon, il est à nouveau confisqué et livré à Louise de Savoie, puis réuni au domaine de france par François 1er en 1532. Le carladès fit succéssivement partie du douaire de catherine de médicis, d'Elisabeth d'Autriche, veuve de Charles IX, de Louise de Loraine, veuve d'henri III et enfin de marguritte de Valois épouse d'Henri de Béarn.

Telle est l'histoire de Carlat lorsque l'escorte de Lignerac gouverneur du château le découvre brusquement à travers la brume. L 'aspect extérieur n'en est guère réjouissant : au pied du rocher mesurant 700 mètres de contour, un premier mur flanqué de tours et bastions; sur la crête un second mur de 4 mètre d'épaisseur, de nombreux corps de logis et enfin une ligne de forts couronnant le plateau.

Le séjour de la reine Margot ( Marguerite de Valois ) du 30 septembre 1585 au 14 octobre 1586, a marqué les gens du pays. De tout temps, les puissants seigneurs de Carlat se sont démarqués par une tendance prononcée pour la résistance, l'intrigue et la rébellion. La dernière fut fatale: sur ordre du roi, la "tanière" fut rasée (1604). Puis vint le temps (1643) où le Carladès fut le fief des princes de Monaco.

10 commentaires:

  1. Bonjour
    Magnifique histoire,
    J’aime les histoires de notre passé, surtout quand il y a des châteaux et des seigneurs
    Avec tous les châteaux cathares qui m’entourent je suis servi
    A bientôt
    Patrick

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  2. Aïe !!! c'est beau ! je lis laz suite . Poutou.
    Angélique

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  3. Patrick :
    si tu aime les chateaux cathares angélique et Tourmaaline connaissent plein de belle histoire de la région.
    A plus

    Angie :
    tu vois? tu as un lecteur potentiel en Patrick. Mais je crois que vous vous lisez déjà.
    je te fais des poutouxxxxx

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  4. plaisir de te retrouver et de lire ces vieilles histoires qui font le sel de notre histoire!

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  5. Bonjour Muse:
    tu sais , ça n'est qu'une légende. mais de nombreux historiens se sont penchés sur elle. Elle semble avoir au moins une parcelle de réalité.
    Palisir aussi de te retrouver
    a très bientôt.

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  6. ça me fais penser aux "histoires de l'oncle Paul" qu je lisais dans le journale Tintin (ou Spirou, d'ailmleurs, je sais plus, tiens :o)
    salut Onc'Vincent

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  7. salut François !
    merci pour le compliment.
    j'aimais beacoup les histoires d'Oncle Paul.
    Onc'Vincent, c'est d'jà du passé mon pauvre!!!
    je me prépare à la grand-périalité
    Et si tu aime ce genre d'histoires, je te conseille de visiter le site de ma correspondante "LUNA PAS DANS LA LUNE". Elle raconte enconte plus d'histoire que moi et de très belles. Je lui ai conseillé de visiter le scriptorium qui devrait lui plaire. Si elle ne l'a déjà fait c'est par manque de temps (instit et active) mais elle devrait y aller.
    je pense que je lui ai donné un lien erronnée : voila la raison première.

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  8. Bien sûr que je connais Patrick, il est toujours là quand je mets un article. En plus géographiquement un saut de puce nous sépare.
    Poutous Cantalou.
    Lhuna/Angélique
    Je vais te dire comme aux autres, pas moyen de laisser un commentaire autrement qu'anonyme, je n'ai pas de compte Google, vous faites des rassemblements ou quoi ?

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  9. Je vous souhaite à toute et à tous une excellente annee 2010 !

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  10. merci anonyme pour vos bons voeux. je vous les retournes francs et sincères. Mais savez vous que vous pouvez vous identifer en cliquant sur openID ou URL. ou en ouvrant un compte google ce qui ne vous engage à rien.
    Si vous choisissez l'anonymat vous pouvez quand même laisser qqe chose de vous en signant Brigitte ou Francis. Ou un pseudo : Picard, Piquantin ou ce que vous voulez.
    cordialement.

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Vince "Africantal"