Un de ces derniers jours, de retour de vacances, je visitais mes blogs habituels. Surtout celui de Patrick de Midelt, de mes préférés. Encore une fois, Patrick me faisait faire un saut de quarante cinq ans au moins en arrière. Il me renvoyait à la face tout un assortiment d'odeurs, de bruits et de sensations délicieuses que je retrouve encore à mon âge. Mes parents n'étaient pas dans l'agriculture mais les étés nous allions dans la maison de famille qui se trouve toujours dans ce hameau du Cantal, une ancienne ferme transformée en maison "bourgeoise" au fils du temps. Mon grand père ayant quelques terres les louait et faisait engranger une partie du fourrage dans la grange accolée à la maison.
Ca sentait délicieusement bon la poussière de végétaux. D'une porte intérieure surplombant la grange nous sautions dans ce foin jusqu'à ne plus pouvoir remonter à l'échelle. C'était pas très prudent car "on" pouvait y avoir oublié une fourche meurtrière.
Les autres occupations: tôt le matin, au lever du jour, Jeannot le neveu du fermier passait me réveiller et nous allions détacher les vaches des mangeoires de l'écurie de son oncle. On conduisait les "Salers "(ne dites pas le S final s'il vous plait, on n'aime pas ça) au pré et en milieu de matinée on "faisait les neuf heures" : un bout de pain, de Cantal et quelques rondelles de saucisson, et c'était reparti... A l'occasion, ramassage de chanterelles ou de "caps nègres" entre deux rappels à l'ordre à vache fugueuse.
C'était souvent "la becque" cette folle bestiole, la seule aux cornes dressées, qui sautait les barbelés des parcelles, s'enfonçait dans les genêts bordant les bois voisins ou se cachait dans les "pignassous" des côtes de Pradine . "Macarel!"' Elle nous en donnait du mal, celle là. Heureusement le son aigü de son "esquile" nous facilitait la poursuite. Et on faisait aussi les foins avec la famille du copain, surtout le dimanche après midi. De tracteur, y en avait pas beaucoup au début des années 60 dans le Cantal.
Les foins étaient coupés soit à la faux dans les parties abruptes, soit avec la faucheuse tirée par le cheval. Puis ils étaient endainés à la râteleuse. Et une fois secs on les "enquillait" sur de lourds chars de bois séculaires et grinçants, tirés par des mules qui redescendaient leur généreux chargement dans les granges. Nous, " les ronces" (les rances = fluets = les gosses) on nous laissait monter sur le foin. Ca le maintenait en place. Les mules. Je les ai toujours entendu nommer ainsi. Pas les équidés, mais des vaches n'ayant jamais vêlé, spécialement dressées pour l'attelage, dociles et patientes, et musclées comme des bœufs.
Parfois c'étaient ces derniers qui remplissaient l'office de convoyeurs. Leur puissance et la dimension de leurs cornes me rendaient extatique.
Les bêtes freinaient de tous leurs sabots sur les voies romaines aux larges dalles polies par le temps et nous baissions la tête pour ne pas nous faire fouetter le visage par les branches basses. Il en reste encore pas mal dans le coin, des voies romaines malgré les remembrements officieux pratiqués par nos jeunes agriculteurs modernes. Mais je vous dirai pas où elles se trouvent. C'est "djudju" comme disent les antillais.
Du haut du chargement en passant au dessus du hameau, nous contemplions 'la cantounade", ce fin fond du village où les maisons d'autrefois, délaissées par les héritiers partis à la ville, se "déroquaient" sous les assauts des lierres et des intempéries. Chaque aller-retour était ponctuéepar une bonne rasade de Corbières bien frais que mon poète et ancien marchand de vin de grand père faisait venir en fûts de Capendu. " n'y o prou, n'y o prou!!!!" puis "Ah! miladiou! quo fo del bé, per ma fé! ! " s'exclamaient les travailleurs en remontant "lou pailhau" sur le sommet de leur crâne blanc. Et ils repartaient. En fin d'après midi, le ciel virait au plomb mais bien qu'on entendit déjà "le diable battre sa fenne" dans les lointains on ne se pressait pas de se hâter tant que le ciel n'était pas noir au relais de télévision de Crandelles. Si l'orage était au Mas de Sédaige, c'était trop tard. On le prenait dessus.
Après le travail, toujours le dimanche ou les jours de fête en fin de journée, les hommes installaient les quilles géantes,ancêtres arverne du bowling, sur la place du hameau. Ils y jouent encore lorsqu'ils organisent des réunions de village sur le couder, succédanés de nos fêtes de la lumière où chacun amène qui sa truffade, qui sa charcuterie qui son pounti , qui ses bouriols maison. A s'en faire péter la sous-ventrière.
Ces quilles, elles doivent avoir au moins cent ans. Quand j'étais gosse, elles tintinnabulaient déjà sous les coups de boules qui les "décanillaient" en les faisant sauter en l'air. J'aime le bruit de ces fantômes de branches accompagnés du cri du lanceur expert.
Maintenant la grange de la maison ne contient plus de foin mais il reste encore un des chars en bois qui tombe peu à peu en poussière; quelques jougs de bois avec leurs lanières de cuir, les doubles râteaux de noisetier et de multiples accessoires liés à la fenaison. Dont un "ase" (âne en occitan - on prononce "une âge") trépied portant une mini enclume servant à "repasser" avec "uno coue" les lames des "dailhes" abimées par les pierres sournoises.
Quand j'y retourne l'été surtout et qu'un orage pointe son nez, j'aime bien moi aussi ouvrir toutes grandes les lourdes portes de la grange. J'aime aussi sentir cette terre qui se mouille et entendre les grosses gouttes de pluie pétarader sur la toiture. Ah! cossi mé carro dins lou Cantal!!. Et que de souvenirs!!!!!!!!!!!
Bien sûr les chars ne peuvent plus y entrer. La DDE qui refait de temps à autre les chaussées ne s'embarrasse pas à enlever la couche supérieure détériorée. Non! elle remet une nouvelle couche par dessus, aussi le bâtiment s'enterre peu à peu.
Un très joli texte avec des beaux souvenirs.
RépondreSupprimerUn moment très agréable où beaucoup d'entre nous pourront se "retrouver" au coeur de leur enfance dans une France paisible.
Merci Vincent
Phoebus
on me dit que vous ne pouvez pas laisser de commentaire. n'hésitez pas à me le signaler par message si c'est le cas pour vous.
RépondreSupprimermerci d'avance.
et à bientôt
bonjour vincent
RépondreSupprimermerci de ton petit mot sur mon blog, qui tu le sais devient un livre
pense tres serieusement a rcrire un livre sur tes souvenirs de gamin
je me souviens aussi de nos echanges sur la télé au bistrot
amities
patrick
bonjour phoebus
RépondreSupprimerj'espère te compter parmi mes plus fidèles lecteurs.
A très bientôt
Merci pour tes encouragements Patrick
RépondreSupprimerpense d'abord à ton livre et aux suivants car je pense que tu ne vas pas t'arrêter en si bon chemin.
Je réfléchirai à ce que tu dis.
ah ces souvenirs d'enfance , rivés à un autrefois disparu..! ou presque
RépondreSupprimerje repasserai demain pour lire plus profond et peut-être irai-je rechercher mes vieux souvenirs liés à la terre des grands parents,à la vie de parnts que j'ai évoqués dans mon autobiographie.
quand le présent se décolore...
merci pour tes comments chez moi
bonjour vincent
RépondreSupprimerj'ai telement aimé ton spot que j'en ai parlé a ma femme elle aussi issue du milieu agricole et qui baragouine le patois
elle a tant aimé qu'elle vient de se payer ton blog pendant plus d'une heure (la pauvrotre))
avec elle nous t'encourageons a penser tres erieusement a ecrire un livre
moi j'ai commencé sur le blog et puis peu a peu le livre et né et en janvier je serai publié
pense y je t'aiderai
amities litteraires
patrick
Merci Micheline.
RépondreSupprimerNon les souvenirs ne se décolorent pas. Ils prennent juste des teintes sépia. Et c'est pas si mal. Mais ces travaux des champs pour moi ont toujours les mêmes couleurs chaudes des végétaux muris par les soleils de l'été.
A très bientôt.
merci pour ta publicité auprès de ta femme. J'espère que ça lui a plu et qu'elle reviendra laisser des commentaires. Merci aussi pour tes encouragements.
RépondreSupprimerA très bientôt.
bonjour Cantalou,
RépondreSupprimerBelle photo ancienne, j'en recherche en ce moment de ma région mais pas facile à trouver.
Chez nous les gosses sont les minots, quand à la faux c'est le daï, presque pareil que chez toi.
bon tu m'emmènes cueillir les chanterelles et têtes de nègres? Chez nous pas de champignons cette année, trop de vent et pas assez de pluie...
Bonjour framboise. je commençais à désespérer de te revoir un jour sur mon site. Mais sur le tien également.
RépondreSupprimerJ'espère que tu as repris la rédaction de billets si sympas à lire.
Tu as raison les mots sont sensiblement les mêmes, mais celui que j'ai employé "rance" est plutôt un argot local. j'aurais pu employer "éfon" pour "enfant".
Pour la faux c'est la façon de l'écrire du cantal qui veut cette orthographe. les lettres M,L,N,G...étant mouillées par la lettre H qui y est accolée.
Les champignons, malheureusement ici, je ne peux pas trop y aller faute de temps. Dans le cantal, j'ai parfois ce loisir.
merci pour tes passages trop rares.