20 avril 2007

khate et moi

Khate et moi

Vous dire comment je l’ai connue, je peux. Quand précisément je n’en sais rien.


khate, elle a traversé ma vie comme une comète à une vitesse folle. Sa lumière intense ne masquait pas la flamme qu’elle animait en vous à son approche. Au contraire elle la magnifiait. Khate, il suffisait de la frôler ou qu’elle vous frôle pour que vous vous enflammiez. J'ai eu l'occasion de lui parler très souvent. Pas assez souvent. Je me reproche d'avoir manqué le moment où elle voulait me parler. Le dernier. Elle m'a attendue. Et je n'étais pas là

C’est donc en navigant de blogosphère en blogosphère en octobre 2006 que mon attention tombait un jour sur un blog Intitulé « le saule pleureur scientifique » . J'entrais donc sous l’emprise de son attraction et me laissais porter par le flot des mots : Pas de choc de photos. Etrange !!!!. Seulement des habitants Jaunes, en relief, clignant des yeux, bougeant, conduisant des voitures en grognant contre leur semblables : des émoticons.


Passée la surprise, je m’appliquais à parcourir les textes d’une grande limpidité. Presque tous parlant d’écologie, de technologies nouvelles, de sciences……………le tout expliqué avec une simplicité déconcertante. Pourquoi ces matières n’étaient pas abordées ainsi dans les médias et aussi certainement dans l’enseignement. Ce serait trop simple bien sûr. Je me souviens d’un billet particulièrement intéressant sur la fonte de la banquise, la montée des eaux, du réchauffement de la planète. C’est un sujet trop galvaudé ces derniers temps et qui me gave passablement. Aussi je postais un commentaire assez long je dois le dire. Il ne fallait pas s’inquiéter, on a le temps, c’est pas pour demain, on exagère un peu, y a pas d’archives et on devrait prendre cela avec philosophie. On pourrait faire de la voile à Carcassonne, le chott el djerid serait à nouveau en eaux, la mer morte et la mer noire remises à niveau.

Nos seulement mes commentaires était pris en considération mais eux même commentés avec une gentillesse et un doigté rare sur internet. Et je revenais souvent visiter ce site signé Khate. Elle parlait des ours des Pyrénées avec une logique rare, de l’écologie avec lucidité, tout était abordé avec mesure.

Puis, un jour piqué un sujet m’intéressant plus que d’habitude je décidais de poser une question directement à la titulaire du blog. Khate GOLOVINE, c’était son nom répondait à mes questions avec une gentillesse et une patience que je n’oublierai plus.

Nous avions des échanges passionnants. Nous parlions de tout et même de rien. Mais rien sur sa personne. « ça n’est pas intéressant » . Elle me parlait de ses enfants dont elle était très fière. Les siens bien sûr mais aussi de Gilbert, l’étudiant Zaïrois qu’elle avait recueilli à la mort de ses parents, maintenant médecin, Souad, la jeune Kurde chassée de son pays par Sadam. Amman, la jeune marocaine devenue orpheline à la suite d’un accident de voiture et une phem sa belle fille laotienne. Ca se voyait qu’elle les adorait. Il paraissait même dans sa conversation qu’il y avait une grande complicité dans cette grande famille recomposée. Une vraie fratrie. Elle est comme ça Khate. Chez elle, c’est la nation arc en ciel. En plus petit bien sur.

Je ne manquais pas de lui demander ce qu’elle faisait dans la vie. « ça n’est pas intéressant » . Elle disait même comme pour ponctuer nos conversations « tu sais, je suis très conne » Pas par modestie, c’est sur. Oui mais encore insistais-je. Elle parvenait à me dire après moult insistance qu’elle avait fait normal sup. Elle avait obtenu une agrégation en math et science, en lettres modernes et anciennes et avait tenu une chair dans une université de Bretagne. Et qu’elle était consultant pour le CNES de Toulouse. Faisait des corrections pour une maison d’éditions. Je saurai bien plus tard que Khate était aussi docteur en physique nucléaire et astrophysique. Lorsque vous saurez qu’elle a sauté plusieurs classes dans sa scolarité et obtenu son bac à 17 ans, vous saurez presque tout sur sa formation, mais ça je le saurai qu’après son départ.

La vie ne lui a pas fait de cadeau, à Khate. Son père qui aurait voulu encore un garçon ne semble pas l’avoir accepté en tant que fille. Aussi, cet homme qui aurait voulu lui donner un nom d’homme lui inculquait la vie à coup de poings. Même le jour de son anniversaire. Elle en sera moralement meurtrie jusqu’à son dernier souffle.

J'eus un jour l’occasion de connaître La terrible épreuve qu’endurait Khate. Alors que nous étions devenus presque des confidents l’un pour l’autre, j’eu la désagréable surprise en rendant visite à son nouveau blog « des millions de petits poisson de toutes les couleurs» au lugubre fond marron foncé de lire ce billet empreint d’un grand désespoir. Je savais qu’elle souffrait dans sa chair. J’avais mis cela sur le compte de l’âge..

C'est fini Noël vient de partir et il reviendra comme toujours .Tout est comme avant ...Rien ne changera jamais désormais , il faut bien qu'un chemin finisse par s'arrêter un jour ou l'autre .

Il n'y a aucune sérénité en moi , aucune rancoeur non plus , seulement un profond désespoir qui me ronge nuit et jour , une incroyable lassitude qui n'en finit pas ...Je ne sais pas ce que seront les jours qui viennent , ils seront sans doute pleins de "vide" avec une grosse boule au creux de l'estomac ...

J'ai peur pour la minute qui arrive , je m'angoisse pour le jour d'après et encore plus pour celui qui suivra .Jamais je n'aurais pensé en être là un jour et pourtant j'y suis .

Tant de questions sans réponses me traversent l'esprit et tant de choses que je n'ai pas vues venir sont là avec moi et tout autour de moi .Je ne sais plus où j'en suis et toutes les valeurs sont bouleversées et les données sont obsolètes .je ne suis plus rien.


De la fin de l’année jusqu’à la fin du mois de février, avec les visiteurs et habituées de sa blogosphère nous avons tenté de répondre à cet appel de détresse. En vain. Khate ne répondait jamais, augmentant nos angoisse et bien sûr la mienne. Cette attente était infernale. Les encouragements qu’elle recevait étaient poignants de désespoir. Un jour pourtant elle me répondit, lassée de mes insistances. Elle avait compris que son état faisait le désespoir de ses amis.

Ce n’est qu’au début février qu’elle émerge de la tour d’obsidienne dans laquelle elle s’était enfermée. Khate avait été il y a quelques années victime d’un mauvais diagnostic. Les soins prescrits avaient produit une dégénérescence de ses articulations. Elle envisageait mal de passer de la position une canne au fauteuil a roulette puis au lit ad vitam eternam. Pour une ceinture noire de judo. Je la comprends.

Puis nous avons repris nos longs échanges amicaux mais cette fois par Web Cam interposée ou par téléphone. Ils étaient d'une grande richesse. Parler avec elle vous élevait. Même les silences étaient de Khate. Parfois, elle semblait attendre mon appel. Elle revivait alors. Mais son corps lui donnait toujours « des coups de cornes ». Elle écoutait, elle parlait, parfois disait « t’en as rien à foutre de moi » attendant qu’on lui dise le contraire.

C’est au début de ce mois que son calvaire a fini. Un mauvais rhume, des mauvais soins, une « bonne pneumonie » et une hospitalisation qui l’a encore plus affaiblie. Khate en avait mare des coups de pieds en vache de la vie, des coups de poing de son père, de l’anonymat, pour les grands, des coups de cornes. Elle a baissé les bras et a dit adieu à ses amis. Elle repose maintenant sous un saule pleureur (scientifique) près d’un ruisseau rempli de milliers de petits poissons de toutes les couleurs.

Bien sûr à cette époque, j’étais occupé, je n’étais pas là, elle attendait mon appel, elle est partie sans que je lui dise adieu. C’était trop dur. Pourtant hier j’ai reçu d’elle un courrier posthume. Avec une tendresse infinie elle me faisait ses adieux. Joignant quelques violettes ramassées auparavant par ses soins.

Pendant les six mois d’échanges avec elle j'ai eu l'impression que Khatia était autre chose de plus que la Grand Khate qui m'a fait l'honneur de me porter attention. un privilège. Je ne sais toujours pas qui elle était réellement. Elle n’a jamais voulu me dire plus que son nom de jeune fille. Pour préserver sa famille je le sais et je la crois.

Mais elle est toujours là. Je la sens parfois. Elle me regarde et me dit "T'en as rien à foutre de moi". Vous la croyez, vous ?

Si vous voulez connaître Khate je vous engage à lire les récits de ses deux meilleurs amis. Presque une soeur, la douce Irène et un frère Alix l'enflammé. Tous deux ont croqué d'elle un portrait à un âge différent. Il vous suffit de cliquer sur le lien qui apparait en laissant la souris sur leur prénom ou encore, dans la marge à droite.

15 commentaires:

  1. Mes condoléances à toi ainsi qu'aux amis de khate...

    RépondreSupprimer
  2. c'est un bien émouvant témoignage de l'instant, il est possible que ce soit chez moi que tu l'ai croisée, elle postait souvent à cette époque où tu as "débarqué dans la chronique", je racontais que j'aurais voulu être astrophisicienne, que je pratiquais l'Aikido etc...elle m'avais dit que nous avions beaucoup de points communs, je veux tout à fait le croire, et j'en suis fière.

    Bises mouillées.

    RépondreSupprimer
  3. yANN :
    Merci de ta compassion.
    Wic:
    Je suis aussi fier Wictoria de vous avoir croisées toutes les deux. Vous pouvez aussi etre fières de ce que vous êtes touts deux. merci de ton passage.

    RépondreSupprimer
  4. bonjour
    rien a ajouter a ton temoignage
    il coupe le soufle et les idees.
    je suis là juste pour te dire que je suis passé et qu'il etait difficile de repartir sans te laisser une trace , un temoignage
    patrick

    RépondreSupprimer
  5. Un grand merci à toi de nous faire partager ces moments la.

    Khate me manque beaucoup

    Amitié
    Grenouille13

    RépondreSupprimer
  6. merci Wictoria pour les passages secrets.

    RépondreSupprimer
  7. tu as de trés jolis mots trés sensibles , je ne saurais rien de mieux ou de plus ...
    salut Vincent

    RépondreSupprimer
  8. ton passage lui a fait plaisir Débla. A très bientôt.

    RépondreSupprimer
  9. une pensée émue pour quelqu'un que je ne connaissais pas, mais que tu as su si bien nous présenter...Je m'associe à tous ceux qui l'ont aimée.Bises Maryanne

    RépondreSupprimer
  10. merci Muse, j'aurais aimé la présenter à toute la blogosphère MARIE.L mais c'est trop tard. Vous auriez aimé lui parler.

    RépondreSupprimer
  11. merci. j'ai honte de ne pas avoir su écouter sa détresse, de l'avoir laissée mettre des comm. chez moi sans lui répondre parfois. Merci à toi de m'expliquer ce qu'il lui est arrivé......j'espère qu'elle repose en paix, sincèrement!

    RépondreSupprimer
  12. te bile pas cake. Khate ne se formalisait surtout pas pour ça.

    RépondreSupprimer
  13. Bonsoir Vincent. Je viens de découvrir avec émotions ce témoignage, qui m'a prfondément ému. J'avais lu ceux d'Irène et d'Alix, mais j'ignorais ce que tu as écris. Je ne connaissais Khate que très peu, par notes de blogs et commentaires interposés. Les derniers mots qu'elle a déposé le 1er avril sur mon blog étaient pleins d'humour, mais étaient restés énigmatiques : "Le plus important c'est de ne pas se prendre les pieds dans le tapis !!!" en commentaire d'une citation de Wittgenstein sur les motifs dans le tapis...

    RépondreSupprimer
  14. Bonjour xavier: merci pour ce commentaire attendrissant.
    La reflexion, c'est bien d'elle. Elle en avait plein!!!!
    J'adore son impression sur un homme politique actuel:
    - "UNE BALLE DANS LE PIED".

    RépondreSupprimer
  15. bonjour vincent
    a l'epoque deja j'avais laissé un com
    a bientot
    patrick

    RépondreSupprimer

vos commentaires seront désormais lu avant d'être publiés sur ce site, merci de votre patience !

Vince "Africantal"