Il faut que je me réveille.
Ca
fait déjà bientôt deux mois et demis que tu es morte. Désolé pour le
mot. Certain n’osent pas le prononcer. Comme si l’expression “décéder”
rendait moins mort! Je l’ai même entendu dire pour un chien, même un
arbre séculaire. Ridicule! Tout comme ce sempiternel “travail de
deuil”.
Le
temps des formalités se termine, arrive bientôt le temps de la
solitude. Des formalités!!! Tu parle d’une expression idiote! Comme si
être quitté pas un être cher était une formalité!!!
Tu
venais juste de mettre un pied dans la retraite. Un pied dans la
retraite, un pied dans la tombe. Après de longs mois de chimio, on te
fait comprendre et on nous fait comprendre que ta vie allait peut être
se terminer dans quelques mois. Et tu comprends que tu ne verras peut
être pas grandir ta petite fille qui vient de naître quelques jours
auparavant- Tu n’assisteras peut être pas au mariage de notre fille ce
mois-ci. Ca c’est sûr! Tu ne verras rien de toutes ces joyeuses
assemblées familiales.
Comment
cela a-t-il bien pu arriver? La faute à qui? La tienne? Qui ne buvais,
ni ne fumais, ne mangeais que sobrement, et pas d'exotique ou sortant de
l’ordinaire!!! La faute à qui?
Et je me souviens de tout.
L’opération.
Il y a maintenant presque trois ans,
tu étais déjà en cessation d’activité, une sorte de préretraite,
qu’une équipe de l’hôpital Edourad Herriot, de LYON, pratiquait sur toi
un opération de la vésicule biliaire, somme toute assez bénigne. Au
cours de cette intervention, un geste pour le moins "maladroit"
provoquait une pancréatite aiguë. Une seconde opération, la pose d’un
stent, était pratiquée par le professeur responsable du service,
quelques semaines plus tard. Nous avions insisté pour que ce soit lui.
Ca! je m’en souviens, c’était après les fêtes de fin d’année 2010.
L’attente.
Souviens
toi. C'est au printemps 2012, “une grosse gestation”, intriguée de ne
pas avoir été revue par “le spécialiste” pour une visite de contrôle ou
une nouvelle opération de la vésicule, tu demandais à notre médecin
référent, de Chazay-d'Azergues, si cet abandon d'un patient était normal
ou s'il s'agissait d'un oubli.
Je
me souvient de ce retour précipité de vacances dans le cantal, à la
demande du “spécialiste” qui s’affolait enfin. Je me souviens qu'après
plusieurs examens il renonçait à une nouvelle intervention pour cause
d'apparition de métastases. C'était, je m’en souviens le 23 avril 2012.
Ca m’est revenu puisque ça n'est que le 22 février 2013
pendant ta dernière hospitalisation, je recevais le CD-Rom de cette
visite. Un CD-ROM sans explications aucunes et sans lettre
d'accompagnement, de mots d’excuses. Drôle de procédé et drôle de
coïncidences que ce CD-ROM parvienne, alors que tu vivais tes dernières
heures!! Etrange! Ne trouves tu pas?
Un
CD-ROM qui me renvoi un an et plus en arrière pour me balancer
sèchement à la figure ces mois de souffrances tant physiques que morales
subies par toi. Tu en as eu du courage! Je n’étais pas en reste,
sache-le. Tes angoisses étaient les miennes, et tes espoirs aussi.
Replay!!!!
Je
revois, ce Professeur, penaud mais rassurant, nous recevant à la nuit
presque tombante après nous avoir fait patienter des heures
interminables dans une sombre salle d'attente dans un couloir miteux du
pavillon "H" pour nous annoncer, sans s’étendre en excuses, (il devait
être pressé de rentrer chez lui en cette fin de journée), "que
cet état de fait, cette carence, regrettable était due à un oubli, à
une surcharge de travail de notre équipe administrative, de ses
secrétaires ....................”. et que tu devais subir des chimiothérapies...........".
Je
me souviens de ce regard affolé que tu m’as lancé une fois arrivés chez
nous. Ce fut un des pires moments de notre vie. Je me souviens de cette
phrase que tu as criée, terrassée par le peu d’espoir en ton avenir “
MAIS JE NE SERAI PLUS LA AVANT LA FIN DE L ANNEE!!!””.
Bien
sûr je n’ai pas cru à ce dénouement là. Je t’ai juré souvent que tu t’en
sortirais. J’avais cet espoir. J’y croyais fermement. La Ligue contre
le cancer nous a tant et tant dis que les cancers se guérissaient. J’ai
tant prié pour toi.
Je
me souviens de cet autre praticien distant au patronyme biblique, qui
fut délégué quelques temps après pour nous expliquer ” la suite” (Et
passe au goal!!!!) et qui nous reçût au sous sol du pavillon "H",
empêtré dans ton dossier médical, et surtout dans l'ouverture et
l’incompréhension de son ordinateur qu'il ne maîtrisait de toute
évidence pas. Pas un regard pendant tout ce temps à aucun de nous deux.
Les djins n’arrêtaient pas de passer et repasser. Cette situation
ubuesque te fit tout de même sourire lorsqu’il effaçait par erreur le
rapport du “spécialiste”.
Je
me souviens du temps insensé qu'il mît pour enfin commencer à nous
expliquer ce qui allait se passer, et seulement à cause d’un mouvement
d'impatience de notre part, car nous serions encore à attendre ses
explications. Des explications à tel point embarrassées que nous avons
dû consulter d'autres spécialistes dans d'autres hôpitaux. Peut être
était-ce un excellent praticien mais humainement très nul. Je tairai le nom de ces gens. Ils sont à vomir.
Par
bonheur, si je puis dire, nous avons été pris en mains par le
formidable Docteur Walter, tu l’aimais bien! et son équipe compétente de
l'UJOM. Le service Oncologie médicale.. Nous y avons rencontré du
personnel d’une grande gentillesse et d’un grand dévouement. J’irai les
voir un de ces jours. Je me souviens de ces heures passées à ton chevet
pendant que tu subissais tes protocoles inutiles.
Mais
le mal était fait. Deux protocoles de chimios n'ont pas été efficaces
et un troisième commencé en décembre à porté l’estocade à ton état de
santé. On t’avait inoculé un virus fatal!!!!! La faute à pas de chance!!
Quel gâchis!!!! Parce que le “spécialiste” n’a pas décidé d’enlever en temps voulu ta vésicule; n’a pas daigné prendre de tes nouvelles!!!,
Ca n’était tout de même pas dur d'ôter cet organe pour un
spécialiste!!! Combien de gens vivent sans lui? Tu serais encore près
de moi.
Oh!
Bien sûr, pendant ta fulgurante agonie, j’ai exprimé ma colère en
adressant une lettre bien sentie à ce “spécialiste”. Et il m’a répondu
que ton cas était exceptionnel, qu’on connaissait mal le cancer du
pancréas. Mais pas d’excuses bien sûr. Tout juste des condoléances.
Ca me fait une belle jambe que ton cas fût exceptionnel!!! Tu n’es plus là pour le savoir. Tu devais bien t’en douter!!
Tu reposes à présent dans le cimetière de mon village du Cantal. Dans ton mausolée de marbre rouge étincelant sous le soleil et la pluie bâti à la hâte rien que pour toi. Pour que tu ne sois "pas enterrée comme les chiens" . Merci pour mes parents et mes ancêtres, merci pour les poilus de 14/18 et les boys de 52ème Airborn qui reposent ainsi. Et dire que tu détestais ce genre d’ultime maison! Tu me l’as tant et tant dis! Mais “on” n’a pas voulu m’entendre. Et pour moi, en tous cas, ce fût le coup de grâce.
Adieu mon Amour.